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Mis à jour
le 18/08/17
 Raie à 21 cm de l’hydrogène neutre
 

L’hydrogène neutre est froid, il ne reçoit ni énergie thermique (par chocs, parce que la densité est trop faible), ni énergie lumineuse (car il est trop éloigné de toute étoile chaude). Son électron reste donc sagement attaché au noyau, au niveau fondamental, aucune transition électronique ne peut se produire ; donc, aucune émission de lumière. Le nuage est donc invisible, tout au plus détectable, parfois, s’il est situé devant un ensemble d’étoiles riche, dans lequel il montre un trou (sac à charbon, nébuleuses obscures). Mais ce nuage émet cependant des ondes radio : c’est la célèbre raie à 21 cm de l’hydrogène neutre. Le mécanisme d’émission est évidemment un mécanisme de très faible énergie. Il s’agit d’une transition entre les spins du noyau et de l’électron.

Cette transition a été prédite en 1944 par van de Hulst, mais elle n’a été observée qu’à partir de 1951.

Le spin de l’électron est une propriété qui a été découverte lorsqu’on a essayé d’expliquer la structure en couches des électrons autour d’un noyau atomique. Cette structure a été mise en évidence de manière empirique par les chimistes, par l’examen des propriétés des éléments, selon leur position dans le tableau de Mendéléev. Autour d’un noyau atomique assez lourd, qui compte un nombre relativement important de protons, les électrons s’organisent en couches. La première, la plus proche du noyau et celle de moindre énergie, ne contient jamais plus de deux électrons (un seul pour l’hydrogène, puisqu’il n’a qu’un seul proton, et deux pour les autres éléments).

C’est pour cette raison que le tableau périodique de Mendéléev ne compte que deux éléments dans sa première ligne :

HHe
LiBeBCNOFNe
NaMgAlSiPSClAr
KCaScTiVCrMnFeCoNiCuZnGaGeAsSeBrKr
RbSrYZrNbMoTcRuRhPdAgCdInSnSbTeIXe
CsBaLaHfTaWReOsIrPtAuHgTlPbBiPoAtRn
FrRaAc

Les seconde et troisième lignes contiennent pour leur part 8 éléments, ce qui s’explique d’une manière analogue, parce qu’il existe d’autres nombres quantitques, obéissant à des règles assez complexes, qui permettent à 8 électrons de cohabiter sur ces niveaux d’énergie.

Mais pourquoi cette première couche peut-elle contenir deux électrons ? Les électrons sont des fermions, qui obéissent au principe d’exclusion de Pauli. Etant sur la même orbite (on devrait dire orbitale, le mot orbite est classique, le mot orbitale plus flou est quantique) autour du noyau, ils ont la même énergie. Dans la théorie élémentaire, qui décrit l’électron avec le seul niveau d’énergie, ils sont donc dans le même état quantique, en violation du principe d’exclusion. L’idée qu’un électron puisse posséder un moment cinétique, lui aussi quantifié, donne un nouveau degré de liberté. Ainsi, si ce moment cinétique peut prendre deux valeurs distinctes (quantifiées) alors les deux électrons de la première couche auront la même énergie, mais des moments cinétiques différents, en accord avec le principe d’exclusion qui se trouve ainsi respecté.

On a nommé spin ce moment cinétique. L’électron est maintenant décrit par deux nombres quantiques, le niveau d’énergie et le spin. C’est l’ensemble de ces deux nombres qui constitue son état quantique.

Par la suite, on a généralisé le spin aux autres particules. Ainsi, le proton possède lui aussi un spin, de mêmes valeurs.

Dans la représentation élémentaire d’une particule (proton ou électron) par une petite bille, on peut supposer que la particule tourne autour d’un axe vertical, soit dans un sens, soit dans le sens inverse (ce n’est qu’une image). La vitesse de rotation est toujours la même. Il n’est donc pas nécessaire de l’indiquer, et seul le sens est significatif. On le notera symboliquement par une flèche tournée vers le haut ou vers le bas.

Les schémas ci-dessous donnent une idée des différents états possibles :

Etats parallèles
 
Etats antiparallèles

Par analogie avec la mécanique classique, le spin pourrait représenter un état de rotation de l’électron (d’où son nom). Mais dans les unités de la mécanique quantique, il s’exprime par 1/2 h, ou -1/2 h (h étant la constante de Planck). Si l’analogie était tout à fait valable, ce serait un entier (c’est pourquoi les schémas ci-dessus ne sont que des images). Il faut admettre que le spin n’a pas d’équivalent classique. On omet le h, et donc le spin vaut pour l’électron +1/2 ou -1/2.

Un atome d’hydrogène est constitué d’un proton et d’un électron. Chacun possède un spin. Les combinaisons possibles sont :

état
proton
électron
parallèle
+1/2
+1/2
antiparallèle
+1/2
-1/2
antiparallèle
-1/2
+1/2
parallèle
-1/2
-1/2

Les deux combinaisons (+1/2, +1/2) et (-1/2, -1/2) constituent un seul état, dans lequel les deux particules tournent dans le même sens. Les deux autres combinaisons (+1/2, -1/2) et (-1/2, +1/2) également, car les deux particules y tournent dans des sens opposés.

C’est ce qui justifie les appellations d’états parallèle et antiparallèle. La différence d’énergie entre ces deux états de l’atome est très faible.

Un atome peut donc changer d’état s’il reçoit très peu d’énergie. Cette énergie peut provenir de légers chocs. Alors, le spin de l’électron change, et l’atome passe de l’état antiparallèle à l’état parallèle en absorbant cette énergie. Il repassera spontanément dans l’autre état, en émettant un photon dont l’énergie correspond à la différence d’énergie entre les deux états. Cette différence d’énergie étant très faible, le photon se trouve dans le domaine radio, sa longueur d’onde est de λ = 21,105 cm correspondant à une fréquence de ν = 1.420,4056 MHz.

Mais la transition spontanée du niveau de plus grande énergie (état parallèle) vers celui de plus basse énergie (état antiparallèle) a une probabilité si faible, qu’elle ne se produira spontanément, pour un atome donné, qu’au bout de 1,1 millions d’années en moyenne ! Ce délai est tel que l’émission spontanée ne serait pas détectable malgré le nombre inimaginables d’atomes d’hydrogène qui peuplent ces nuages.

En fait, la densité est suffisante pour que chaque atome d’hydrogène subisse un choc assez proche pour provoquer l’émission tous les cent ans. C’est suffisant pour que les nuages d’hydrogène neutre soient visibles dans cette raie. Mais de plus, les chocs responsables de la désexcitation fournissent également assez d’énergie pour exciter l’atome, et le faire passer de l’état antiparallèle vers l’état parallèle, et garantir une nouvelle émission future.

Grâce à ce rayonnement, les nuages d’hydrogène neutre deviennent visibles. Or ils sont très importants, car ils nous permettent de tracer la structure de notre galaxie. On a en effet montré qu’ils se concentrent dans les bras spiraux. Une carte radio de cette raie à 21 cm dessine les bras de la Voie Lactée.

Raie en absorption

Nous avons traité la raie à 21 cm en émission, telle qu’elle est le plus souvent observée. Mais dans quelques cas, on la voit en absorption. Pour cela, il est nécessaire que le nuage soit situé sur la même ligne de vue qu’une source radio puissante, qui émette dans cette longueur d’onde. C’est le cas pour quelques nuages placés devant un quasar. Celui-ci émet fortement en radio, et le nuage peut absorber des photons à la bonne longueur d’onde.

Dans quelques cas, on parvient à observer la raie à la fois en émission et en absorption (grâce à un décalage spectral). On obtient alors la température du gaz, et sa densité qui peuvent être calculées.

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